Ernson Augustin : « oui, sans langue de bois, le féminisme est un humanisme »
Préconisant l’égalité entre la femme et l’homme ainsi que le rôle de la femme dans la société, le féminisme a enregistré plusieurs vagues au cours de son histoire. Pour Caroline Fourrest, « il n’est pas une affaire de « filles », mais, l’histoire d’un humanisme révolutionnaire… ». Dans cet ordre d’idée, nous allons critiquer cette assertion tout en tenant compte des particularités du féminisme haïtien. D’abord, il est question de définir le concept « humanisme ». Ensuite, nous allons présenter une brève historicité du féminisme haïtien avant de souligner ses forces et faiblesses.
Pour plus d’un, l’humanisme est une doctrine qui place la femme ou l’homme, ainsi que son épanouissement, au-dessus de toutes valeurs. Il prône la dignité et l’autonomie des individus en mettant en exergue le droit pour que l’être humain puisse jouir pleinement de sa liberté, pourvu qu’il soit compatible avec celui des autres.
Autrefois, écartées de la vie sociopolitique et économique, les femmes haïtiennes commencent, au cours du XXe siècle, à revendiquer leurs Droits. Pour certains, le féminisme haïtien s’est amplifié en 1926 avec l’enquête menée contre l’occupation américaine par la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix, sur la demande de la section haïtienne ainsi que la création, en 1934 de la Ligue Féminine d’Action Sociale (LFAS). En fait, l’existence d’un éventuel lien entre la lutte pour les droits de la femme et celles faites pour la démocratie est à souligner.
Depuis 1944, les haïtiennes ont le droit de se porter candidat aux élections législatives et municipales. Six ans plus tard, elles obtiennent le droit de vote. Après les élections de 1957, il fallait attendre la chute des Duvalier pour assister à un sursaut de la lutte pour les droits de la femme haïtienne. Comme preuve, en avril 1986, 30 000 femmes se sont manifestées en faveurs de la démocratie ; puis, nous avons assisté à la création du Ministère à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme (MCFDF) ainsi que l’instauration d’un quota de 30% de femmes obligatoire au niveau de certains postes électifs.
Comme avantages, il est à souligner que grâce à ces mouvements, une diminution considérable des violences faites aux femmes a été enregistrée. Malheureusement, nous ne sommes pas arrivés à les éradiquer. Toutefois, certaines femmes, étant mieux formées et conscientes de leurs droits, ont la capacité de dénoncer des « bourreaux ». De plus, en plus du MCFDF, certaines organisations de femmes sont toujours prêtes à accompagner juridiquement, psychologiquement et économiquement les femmes victimes de violences.
De plus, nous avons constaté que de nos jours, nombreuses sont les femmes qui fréquentent les centres universitaires. En valeur relative, la répartition des universitaires selon le sexe montre que les hommes sont mieux représentés que les femmes, mais, la situation est en train d’évoluer et ceci, pour le bien de la performance de l’économie haïtienne. En fait, certains théoriciens soulignent que « plus on a des gens cultivés, plus l’économie sera performante ».
En dépit de ses forces, nous pensons que le féminisme haïtien a certaines faiblesses. Parmi elles, nous pouvons souligner le fait que ses revendications ne sont pas profitables [dans les mêmes proportions] à toutes les femmes. Donc, même dans la lutte pour le respect des droits de la femme, il y a exclusion de certaines femmes. Nous pouvons souligner par exemple celles qui n’ont pas un niveau d’éducation élevé. Ces dernières ne peuvent pas bénéficier amplement de la politique des quotas. Ainsi, nous sommes pour la scolarisation ou l’alphabétisation de l’haïtien, indépendamment de son sexe.
Par ailleurs, des militants.es assimilent les luttes pour le respect des droits de la femme à une sorte de guerre de sexe. Nous pensons que l’égalité tant prônée doit passer par le travail, l’indépendance économique et le plaisir de la compétition des femmes ainsi que le respect de sa liberté par le sexe opposé et non par la publication des discours haineux… à notre avis, on peut être de sexe masculin et féministe à la fois.
En fait, il y a, comme nous l’avons tantôt souligné, des féministes qui sont très radicales et qui véhiculent des discours haineux à l’encontre du sexe opposé, ce qui est contraire à l’idée même de la doctrine de l’«humanisme ». Toutefois, considérant le fait qu’en Haïti ; les luttes féministes sont, d’abord et avant tout, des luttes pour la démocratie et la liberté ; considérant également que l’humanisme en tant que doctrine prône le droit de jouir pleinement de sa liberté sans pour autant piétiner celui des autres dans sa quête perpétuelle d’EGALITE entre les deux sexes ; à la question de savoir si le féminisme haïtien est humaniste, nous répondons oui sans langue de bois.