Bresly Jean Baptiste : « le féminisme doit faire de l’intérêt commun sa priorité »
La question de l’égalité entre hommes et femmes est, et a toujours été, depuis des siècles, l’objet de discussion. Au fait, dans toutes les sociétés du monde, les femmes, à un moment donné, ont été très mal vues. Elles ont été considérées comme des captives, au point qu’elles étaient privées de leurs droits. Notamment, le droit d’accès à l’éducation et celui de voter. À ce moment-là, elles étaient plutôt des femmes au foyer qui prenaient soin des enfants et assuraient les tâches ménagères. Face à tout cela, certaines femmes allaient se faire remarquer par des revendications relatives à leur émancipation dans toutes les sphères de la société. Ce qui allait engendrer le mouvement des femmes dénommé « Féministe ». Ce dernier est apparu au XIXe siècle et se révèle un mouvement à travers lequel les femmes, en majeure partie, se donnent pour mission de mettre fin au sexisme et de lutter pour réaliser leur pleine égalité, en droit et en pratique, avec les hommes. Toutefois, l’affaire n’inclut pas uniquement des femmes, mais il y a également des hommes qui se considèrent féministes. Car être féministe n’est pas propre à un sexe ou à un genre. Des femmes haïtiennes, comme Madelaine Sylvain Boucherau, Nicole Hibbert, Léonie Coicou entre autres, ont su se faire remarquer et ont laissé des traces indélébiles. Et aujourd’hui, on ne peut parler de mouvement féministe haïtien sans citer leurs noms. Par ailleurs, certaines femmes étrangères, comme Lori Saint-Martin, Bouchera Azzouz, Christiane Taubira et autres, déclarent que le féminisme est un humanisme, et par conséquent n’est pas une guerre de tranchées. Dans cette optique, comment est-ce qu’on conçoit le mouvement féministe en Haïti ? En examinant à fond le déroulement du mouvement féministe haïtien, peut-on le qualifier également d’humaniste ?
En effet, la lutte au profit des droits des femmes en Haïti ne date pas d’hier. Cependant, les différentes formes que prend ledit mouvement à nos jours suscitent diverses interprétations et incitent certaines personnes à se demander s’il est, en réalité, un humanisme. Puisque ce dernier valorise l’humain avant tout. D’une part, le féminisme a toute sa place et son importance dans la société. Car il vise une cause majeure, celle de l’émancipation de la femme dans toutes les sphères de la société. Ce qui est tout à fait normal. Les gens qui partent de l’idée selon laquelle le féminisme serait un humanisme disent que le mouvement féministe veut que toutes les femmes jouissent de leurs droits fondamentaux, leurs droits inaliénables, c’est-à-dire des droits liés à leurs conditions d’êtres humains. Et aujourd’hui, ce mouvement commence par apporter des fruits. D’ailleurs, la présence des femmes au sein des différentes institutions du pays en est la preuve. D’autre part, il existe des variantes du féminisme qui adoptent une attitude radicale, et qui réclament peut-être non pas l’émancipation des femmes, c’est-à-dire qu’elles jouissent des mêmes droits dont historiquement les hommes ont toujours joui, mais qu’elles deviennent les maîtresses du monde, et que les hommes fassent enfin « l’expérience de la minorité ». Certaines femmes pensent qu’être féministe c’est s’opposer complètement à tout ce que disent les hommes et d’autres pensent que l’être, c’est défendre uniquement tout ce qui est relatif aux femmes. Alors que les femmes féministes haïtiennes devraient se donner pour mission non seulement de revendiquer l’extension des droits des femmes dans la société, mais également de se centrer sur l’intérêt général. Ce qui n’est pas pourtant le cas. Le mouvement féministe haïtien pourrait se révéler un mouvement de grande envergure si les gens qui en font partie connaissaient réellement leur rôle, s’ils savaient ce qu’ils font. En Haïti, les féministes sont plutôt vus comme des arrogantes, des frustrés au lieu d’être des personnes qui s’engagent effectivement dans la lutte pour le changement de la condition de vie féminine et commune. À cet effet, le mouvement féministe haïtien est très loin d’être humaniste. Car les féministes haïtiennes se laissent trop diriger par leur égo. Et certaines d’entre elles se font passer pour féministe à des fins politiques. Il n’est pas de bon ton de construire un mouvement pour et au nom des femmes du pays seulement avec les femmes en ville. De ce fait, le féminisme haïtien, pour qu’il soit un humanisme, doit être d’abord repensé.
Somme toute, le mouvement féministe haïtien, nonobstant toutes ses failles, a quand bien même sa place dans la société. D’ailleurs, ledit mouvement a su faire voir la femme d’une autre manière, il a su faire comprendre que la femme est avant tout humain tout comme l’homme. Cependant, les tenants de ce mouvement, s’ils veulent réellement rehausser la valeur du féminisme au cœur de la société haïtienne, doivent faire de l’intérêt commun sa priorité, et non uniquement celui de la femme. À ce stade, la propriété d’humanisme lui sera bel et bien attribuée. Car l’homme haïtien étant vu comme prédateur n’est pas forcément responsable de sa domination sur la femme, mais son éducation.