L’insécurité sociopolitique : un frein au développement économique en Haïti
Le développement économique a toujours été le centre d’intérêt de plusieurs débats menés par différents acteurs économiques et politiques. Dès le XVIIIe siècle, l’un des plus célèbres économistes, Adam Smith, père de l’économie classique, dans son ouvrage intitulé « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations » en 1776, a cherché en quelques sortes à comprendre et à exposer son analyse sur la prospérité des nations. Depuis lors, la question de la création des richesses commençait à intéresser les économistes et les dirigeants politiques.
De nombreux modèles classiques et néoclassiques ont fait surface, proposant des solutions aux problèmes liés au développement. Cependant, il existe bien des économies (pays) qui sont au sommet de l’échelle, en termes de richesses, et d’autres au pied du mur, tel est le cas de l’économie haïtienne. Certains pays ont enregistré des taux de croissance très élevés en très peu de temps. A titre d’exemple, le Singapour, le Qatar et la Chine qui ont enregistré respectivemente 17.88%, 22.31% et de 25.04% en trente ans (1980-2010).
L’économie haïtienne de son côté n’a pas pu bouger à un rythme aussi élevé que les économies susmentionnées, elle n’a enregistré qu’un faible taux de croissance de 3.39% pour la même période. Aujourd’hui, les choses ont empiré. 76.1392 gourdes pour un dollar américain (BRH, 10 mars 2021). Une inflation galopante de 18,7% en janvier 2021. Le pouvoir d’achat du peuple diminue et la misère augmente. Pour expliquer ces contre-performances économiques, deux pistes ont été explorées : l’insécurité sociale et l’insécurité politique comme freins au développement économique du pays.
L’insécurité sociale d’un pays a une énorme conséquence sur la prise de décisions des dirigeants étatiques et les investisseurs, et représente aussi bien un danger pour les activités économiques et sociales du pays en question. En Haïti, ce problème s’est longtemps manifesté par une croissance de la délinquance juvénile engendrant le phénomène des enfants de rue dans les quartiers populaires devenus des « zones de non droit ». Ces quartiers, devenant inaccessibles en raison de l’insécurité qui y sévit, se sont multipliées à travers la capitale et dans d’autres villes du pays. A partir des années 90, un phénomène de banditisme avait commencé à s’installer et continue d’affecter, aujourd’hui encore, une bonne partie du territoire haïtien. En effet, le nombre de meurtres et d’enlèvements ne cesse d’augmenter.
Par ailleurs, le faible niveau d’éducation constitue également un élément de contre-performance empêche au développement économique. On assiste depuis plusieurs années à des résultats exécrables au niveau du baccalauréat. Pour l’année 2019 la moyenne de réussite nationale est en dessous de 50%. Selon le célèbre homme politique d’Afrique, Nelson Mandela : « L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde ». Elle est totalement négligée dans le budget national. Or, pour avoir un rebondissement sur le plan économique la présence de cadres et de professionnels s’avère nécessaire.
La chute de l’économie est résultante des périodes de bouleversements politiques. Le pays est spectateur des distractions auxquelles s’adonnent l’exécutif. L’année 2018 a été marquée par une crise politique aigüe en Haïti, les 6 et 7 juillet en représentent les moments phares, ainsi que les manifestations de 17 octobre et 18 novembre. Sans oublier le pays lock qui a paralysé, presque totalement les activités économiques. La rareté des carburants, les faiblesses institutionnelles, le kidnapping qui bat son plein, la mauvaise gouvernance sont entre autres des phénomènes qui entravent un éventuel redressement de l’économie haïtienne. L’Ex-ministre de l’économie et des finances monsieur Ronald DECEMBRE disait que « le climat des tensions sociales qui prévaut en Haïti […] amplifie la dégradation de l’économie et des finances publiques du pays ». A ce point on peut dire qu’il a raison, car il est fort et difficile de voir cohabiter le développement avec l’instabilité politique qui, fondamentalement, est nocive pour l’environnement économique.
Il ne peut y avoir de développement économique d’Haïti sans une harmonisation entre les différents pouvoirs de l’État. Pour cela on doit avoir un État stratège, qui tient au bonheur du peuple, qui veut doter le pays d’un cadre légal réglementaire et institutionnel apte à inciter les investissements directs à la fois nationaux et étrangers. Haïti peut réussir. Pour ce faire, il faut une meilleure utilisation des ressources par un État œuvrant résolument à l’accroissement de la richesse nationale et à l’amélioration des conditions de vie de la population.