Pedjan Esther Constantin : « le féminisme est un mouvement à part entière »
L’humanisme tout comme son nom l’indique, met l’accent sur l’être humain en tant que centre de toute chose. On pourrait l’associer à la philanthropie de par sa nature altruiste et son engagement individuel au service du collectif. L’humaniste néglige ses intérêts et ses aspirations personnels pour se consacrer uniquement au plein accomplissement du potentiel de l’homme tout en favorisant le respect mutuel, l’humilité et le « vivre ensemble » Mais peut-on parler d’humanisme sans ouvrir les yeux sur le traitement que subissent les femmes depuis des siècles ? Et par-dessus tout qu’est-ce que l’humanisme apporte de positif au mouvement feministe de notre époque ?
Le terme « féminisme » désignant la lutte des femmes pour l’égalité des genres, n’a rien à envier à l’humanisme par rapport à sa position au sein de la société haïtienne. Une personne humaniste, tout comme feministe, défend le droit naturel que possèdent les humains d’être égaux en droits et en opportunités. Il nous est difficile d’établir une chronologie exacte des débuts du féminisme haitien, mais l’histoire nous raconte qu’après le départ de J. Claude Duvalier, le 3 avril 1986, les femmes se sont mobilisés à Vertières pour exiger la démocratie sous toutes ses formes. Ce fut un énorme pas en avant pour la république qui avait depuis des siècles vu des hommes marginalisés et exploités des femmes dans tous les domaines. Elles se sont alors levées pour revendiquer l’équité des répartitions des tâches dans tous les postes à haut responsabilité de l’etat ou du privé, l’égalité des privilèges etc. En ayant conscience des termes similaires affectionnés par les deux mouvements, on aurait tendance à les associer et ce n’est pas forcément une mauvaise idée.
Le féminisme ne serait rien sans l’humanisme parce qu’il faut d’abord se soucier de l’être humain avant de vouloir à tout prix le défendre. Tous les deux mettent l’accent sur la justice et l’égalité : ce besoin de bien faire qui poussa les artistes et théoriciens de la Renaissance a inventé ce concept d’Humanisme au XVIeme siecle. Apparu en Italie comme étant un mouvement littéraire, ce terme se développa à travers les âges et se diversifia mais tout en gardant cette même préoccupation qui vise à accorder une attention décuplée au rôle de l’être humain dans la société dans laquelle il évolue. De ce fait, on aurait tendance à penser que le féminisme est un humanisme.
Mais les lectures nous ont appris que, l’humanisme défend, des valeurs telles que la morale, la dignité, la liberté critique, les connaissances techniques et non techniques. Alors que de son côté, le feministe milite pour une équité au niveau des droits en privilegiant les femmes, l’humaniste se concentre sur toutes les formes de discriminations sans tenir compte de la religion, du sexe ou du milieu social. Elle évolue dans la globalité et nous avons appris que le féminisme moderne pourrait même être une réaction par rapport à cette dite défendeur de droits humains qui, à force de se diversifier, avait tendance à oublier la souffrance dont les femmes étaient victimes.
Alors peut-on vraiment parler de féminisme sans inclure le concept d’humanisme ? C’est impossible sachant que l’une comme l’autre, méprise toutes formes de discriminations. Mais de là à affirmer que le féminisme est un humanisme, alors que c’est un mouvement à part entière qui s’est développé dans le temps, c’est littéralement une insulte à nos ancêtres qui ont participé à la lutte depuis l’époque coloniale. Parce que c’est vrai que l’humanisme a tendance à s’intéresser aux droits humains mais il ne faut pas oublier que le féminisme englobe toute une partie du combat pour un monde meilleur, en ouvrant les yeux sur des détails auxquels un humaniste n’a pas le temps de prêter attention au vu des différentes formes d’injustices sur laquelle il doit se focaliser. En conclusion, chacun de ces concepts à son propre rôle même si dans les gros titres, ils ont tendance à s’emboîter.