Sport

Peut-on parler de football professionnel en Haïti ?

Il est difficile de parler du football comme sport professionnel en Haïti. La différence colossale entre ce qu’est réellement ce sport et ce que nous vivons, nous frappe toujours en plein visage à chaque fois que nos clubs doivent affronter un club étranger. À cause d’un manque d’organisation, nos joueurs n’arrivent pas à se faire remarquer et pire encore, la fédération haïtienne de football (FHF) a failli à sa mission qui est de structurer le championnat national.

Après l’élimination de son équipe en demi-finale par le club Costaricien Deportivo Saprissa (5-0), Billy Anacius un des joueurs de l’Arcahaie Football Club, avait fait une déclaration :

« Nous ne sommes pas encore prêts pour ce niveau, nous ne sommes pas des professionnels et nous sommes très très loin d’être de vrais professionnels […]. »

Hantz Billy Anacius

Plus loin, le jeune défenseur âgé de 26 ans, a raconté que le football haïtien n’est pas organisé comme il devrait être. « Nous n’avons même pas un terrain de jeu, pas de matériels, ni d’équipements, problème d’alimentation et de discipline. En bref nous sommes très très loin », déplore le défenseur. Avec cette déclaration, Billy contredit complètement l’appellation du championnat par la FHF et aussi la COCHAFOP sous le terme de Championnat Haïtien de football professionnel. D’ailleurs a-t-on déjà quitté le stade de l’amateurisme dans notre football ? Quels critères pour un club de football et d’un championnat professionnel ? Quels critères pour un joueur de foot professionnel?

Championnat et Club de football professionnel

De nos jours, le football serait devenu une science. Tout se fait de manière très méticuleuse. On prépare les joueurs dès leur plus jeune âge à devenir des pros. La FIFA a publié dans son cahier de charge les critères à respecter pour être considéré comme championnat professionnel. Avoir un centre de formation standard, avoir la personnalité juridique, détenir une assurance, tenir une comptabilité, avoir un siège social où sont logés les différents bureaux du club sont certaines exigences faites aux clubs pour être qualifié de professionnels.

Un club de football professionnel est à la fois une structure sportive et une entreprise. Les dirigeants doivent avoir une licence de même pour les médecins et les autres personnels. L’organigramme d’un club de football professionnel comme entreprise est composé le plus souvent d’un Président, d’un directeur général pour l’administration, d’un service juridique.

Tout comme les sélections, les clubs ont un budget bien défini pour chaque début de saison. Les états financiers annuels doivent être publiés à l’intention des personnes internes et externes du club. Pour la structure sportive on y trouve un directeur sportif et pour le secteur technique on a un secrétaire technique, un Coach accompagné de son staff. En plus de cela, un club de football professionnel doit posséder des infrastructures adéquates pour le développement et la préparation de ses joueurs. Ces infrastructures sont souvent un Centre de formation, un Centre médical, un gymnase pour les préparations physiques et un terrain de jeu réglementaire. Mais en Haïti, quasiment tous les clubs ne respectent pas ces critères précités. On ne peut pas parler de Budget défini à l’avance pour plusieurs raisons; notamment les incertitudes au niveau des contrats des joueurs, l’absence de sponsors pour les équipes. Les présidents des clubs et le public sont les principaux sponsors des clubs. Certains clubs haïtiens sont souvent en difficulté financière et ne peuvent pas payer les joueurs.

Sur le plan sportif, peu de clubs possèdent un centre de formation. Le peu de Clubs qui en possède, ils ne sont pas vraiment de qualité. Que dire des terrains de jeu? Combien sont réglementaires? Seul le stade national Sylvio Cator satisfait aux exigences internationales de réglementation malgré les 25 « stades » construits par le gouvernement Martelly / Lamothe entre 2012 et 2014. Malheureusement, certains de nos terrains de première division sont toujours en terre battue alors que la FIFA ne reconnaît que les terrains vêtus de gazon (naturel ou artificiel). On ignore jusqu’à présent le nombre de coachs dans le championnat qui a une licence professionnelle d’entraîneur délivrée par la FIFA. Certains pensent même qu’il n’y a pas de clubs de football en Haïti, mais plutôt des équipes de football.

Footballeur professionnel

Être un footballeur professionnel signifie faire du football une profession. Le joueur est rémunéré pour le travail qu’il fournit. Cette profession comme tant d’autres exigent un ensemble de qualité comme par exemple s’entraîner quotidiennement, respecter une hygiène de vie, avoir un régime nutritionnel et posséder des qualités technique et physique. Et en Haïti, à part s’entraîner régulièrement et avoir des qualités techniques, les autres qualités font clairement défaut au footballeur haïtien. La discipline est l’un des plus gros problèmes pour notre football. Une bonne hygiène de vie et une alimentation équilibrée ne seront jamais les qualités d’un footballeur évoluant en Haïti, un pays où même manger est devenu un luxe pour une bonne partie de la population notamment ceux des quartiers populaires appelés “ghetto” où habitent bon nombres de footballeurs d’ailleurs. On a l’habitude de voir les joueurs manger des assiettes “aleken” devant les locaux des terrains avant d’aller s’entraîner. Et le football est-il une profession en Haïti? Combien de joueurs ont déjà abandonné le football du fait d’avoir mis enceinte leur petites amies pour aller effectuer d’autres activités pour une meilleure rémunération du fait de leurs nouvelles responsabilités? Combien de footballeurs haïtiens ont fui leur camp de rassemblement quand ils ont eu la chance de voyager avec leurs clubs? Le football n’est pas une profession en Haïti. Parfois certains jouent par amour pour son équipe ou pour sa ville sans la moindre rémunération mais plutôt des primes d’après matchs comme dans les championnats de vacances.

Qu’en est-il de la qualité physique des joueurs haïtiens?

La préparation physique ou foncière qui est aujourd’hui une discipline ; et qui s’étudie même dans des facultés en France, se fait toujours à l’ancienne en Haïti. Faute de gymnase, d’installation et de matériels nécessaires aux préparateurs haïtiens, ils conduisent leurs poulains dans des hauteurs, dans des mornes pour effectuer des préparations à l’ancienne comme c’était le cas dans les années 60-70. Et le niveau des préparateurs haïtiens? Professionnel ou Amateur? Même s’ils ont suivi des séminaires sur la préparation, il y a un réel doute sur leur niveau d’ailleurs peu d’entre eux ont une licence dans le domaine..

La qualité physique est un déficit énorme à combler et quand on retrouve des équipes vraiment bien rodées dans la zone CONCACAF, il sera difficile pour nos clubs de les tenir tête car ils ont une longueur d’avance sur nous. Même si certains pays de la zone n’ont pas un championnat professionnel, ils sont à mi- chemin du professionnel et du semi-pro alors que nous on est toujours dans l’amateurisme notamment en termes d’organisation.

Techniquement, ils ont les meilleurs entraîneurs et physiquement, ils sont un cran au-dessus de nous. On a souvent vu la différence de niveau entre nos clubs et les clubs mexicains ou costariciens (Valencia de Leogane vs Cruz Azul en 2013, 1-5 en score cumulé; Tempête vs Monarcas Morelia, 0-7 en score cumulé et récemment Saprissa vs Arcahaie FC, 5-0). Cependant, on peut toutefois surprendre nos adversaires comme on l’a souvent fait dans des gold Cup ou dans d’autres championnats de Club de la zone comme la ligue des champions de la CONCACAF par exemple le titre de champion remporté sur tapis vert par le Violette Athletic Club à la suite de la disqualification de Chivas Guadalajara du Mexique et de New York Pancyprian-Freedoms. Le Violette a quand même eu le mérite d’arriver en finale même si on peut dire qu’en 1984 le football n’était pas encore si pointu et qu’il n’existait pas encore cette classe d’écart entre les niveaux des équipes de la CONCACAF.

Avec toutes ces interrogations, Billy a sans doute raison que le football haïtien n’est pas encore un football professionnel. Ce n’est donc pas une excuse, Arcahaie FC a été victime de la mauvaise façon dont s’organise le football. Et il n’y a pas de cadeau dans le football professionnel. En effet, pour pouvoir jouer dans la cour des grands, nos dirigeants doivent travailler d’arrache-pied pour mieux structurer le football haïtien et ce, dans toutes les catégories.

close

Abonnez vous afin de recevoir les derniers articles publiés

Nous n’envoyons pas de messages indésirables ! Lisez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

Anderson Taylor John

Étudiant en Sciences Comptables à l'INAGHEI. Passionné du sport et de la culture générale.
Bouton retour en haut de la page