Éducation

Comment la Faculté des Sciences Humaines ne peut rouvrir ses portes à cause d’une simple histoire d’inauguration

Fermée depuis tantôt huit mois à cause de la pandémie, et préalablement inopérationnelle en raison des travaux de réhabilitation, la Faculté des Sciences Humaines ne peut toujours pas reprendre ses activités malgré que les travaux soient achevés depuis un mois déjà.

On est le 27 Août 2020. Après avoir été en partie détruit par le séisme du 12 janvier, 10 ans plus tôt, le bâtiment de la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’Etat d’Haïti s’est enfin remis de ses fissures, grâce à la bienveillance de l’ambassade du Japon. Le BMPAD, maître d’ouvrage délégué, croyait bon qu’une inauguration aurait été un bon moyen de fêter l’événement. En fait, c’était sous-estimer l’ego des étudiants de cette Faculté, puisque, un petit groupe, les plus intransigeants peut-être, ont pris l’initiative de barricader l’avenue Christophe (où se trouve ladite Faculté) afin d’empêcher la cérémonie.

En effet, il est difficile de cerner la bizarrerie de l’histoire. En quoi une cérémonie d’inauguration pose-t-elle problème ? Il faut souligner que la rumeur circulait depuis une semaine déjà, de bouche à oreille, officieusement : le président de la République, Jovenel Moïse, traité de tous les démons, tant haï qu’on ne le nomme que par des périphrases les plus abjectes, sera présent. Un vrai bal de vautours, car le recteur de l’Université, le professeur Fritz Deshommes, et le Directeur Général du BMPAD, M. Ignace Saint-Fleur également décriés pour corruption et autres forfaits y prendront également part. Inadmissible ! Ils ne pourraient accepter une telle infamie. Pour l’honneur de la Faculté. Pour ce qu’elle a représenté dans le temps. Pour les différents combats qu’elle a menés. Ce serait cracher sur leur dignité d’étudiants que de laisser des gens aussi sales fouler le sol prestigieux de la Faculté des Sciences Humaines.

Dans la foulée des protestations, la Coordination a publié une note qui allait soulever une indignation, cette fois, générale. L’ouverture de la Faculté fut reportée à une date ultérieure… Juste comme ça. Les uns pointaient du doigt les quelques étudiants qui ont mis en branlent le mouvement de protestation contre l’inauguration, les autres l’incapacité réelle de la Coordination à mobiliser les ressources pour une réouverture effective – il n’y avait pas encore de chaises, de tableaux (il n‘y en a toujours pas) et d’autres matériels importants. Pour ces derniers, le mouvement des étudiants a servi de prétexte aux membres de la Coordination. La rumeur de la présence du président n’aurait été en fait qu’un appât, et les étudiants se seraient bien laissé mener en bateau.

Un mois plus tard, la Faculté ne peut toujours pas fonctionner. En plus du mobilier, la BMPAD n’aurait pas remis les clés du bâtiment à la Coordination. Ils ne seront remis que « par une cérémonie d’inauguration », avancerait le BMPAD, ferme. Les étudiants tout aussi tenaces resteront mobilisés pour empêcher autant que faire se peut une telle cérémonie. Pas de place pour les compromis. D’un côté : « Tant pis pour eux ! ». De l’autre : « Tant pis pour les études ? »

Les enjeux d’un tel conflit ne sont pas à prendre à la légère. La Faculté des Sciences Humaines représente un lieu politique stratégique. De plus, les élections approchent et la moindre réalisation, s’agit-il du « remplacement d’un poteau électrique brisé », doit être parée de mille artifices pour lui donner une allure pompeuse, de quoi séduire l’international. Et prononcer un discours à la Faculté des Sciences Humaines, pour le pouvoir, ce serait prouver à la communauté que ce secteur qui, d’habitude adopte une attitude de gauche progressiste, ne représente plus aucun danger, et que les élections qu’elle réclame tant seront déroulées sans opposition aucune.

Pourtant, si les étudiants-militants sont tombés dans le panneau une fois, ils ne seront pas doublement dupes. Jamais, eux étant, ces personnalités rejetables ne fouleront l’enceinte. Ces étudiants-avant-gardistes ne sont malheureusement pas populaires, au sens que leurs revendications, leurs actions ne font pas toujours l’unanimité au sein de la Faculté. Ils sont bien souvent critiqués, injuriés pour leur insolence par les autres étudiants qui, eux, ont leurs cours en priorité plutôt que les questions politiques.

Cette majorité située entre la ténacité du BMPAD et l’intransigeance de ces étudiants-justiciers, se trouve malheureusement prise entre le marteau et l’enclume. Un conflit dont ils ne comprennent le bien-fondé. Plus de huit mois d’arrêt, bon nombre d’entre eux ne savent quoi faire… à quel saint se vouer. Les clés du bâtiment, est-il obligatoire qu’elles soient remises lors d’une cérémonie officielle ? Pourquoi ne pas accepter la cérémonie d’inauguration et en finir une bonne fois pour toutes ? Sur la réponse à ces deux questions triviales a priori repose le salut de la Faculté, de ces étudiants-étudiants qui sont à bout. Cette fois, c’est une simple histoire d’inauguration qui aura occasionné la crise.

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Mike Préval

Un amoureux de la vie, des lettres et des images…
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