Culture

La trap, est-elle toxique pour la jeunesse haïtienne ?

D’origine américaine, la trap est un genre musical très en vogue dans le monde artistique. Ces derniers temps, elle est à son heure de gloire en Haïti tant et si bien que la plupart des jeunes qui font leur premier pas dans le monde musical haïtien s’accrochent à ce style tout à fait particulier. Cependant, si on se fie aux discours qui se cachent derrière ces  » Beats « , il y aura lieu de dire que dans le milieu culturel haïtien, Trap et Rabòday peuvent se substituer.

Un style populaire

Dans les bars, les discothèques, et parfois même dans les milieux scolaires et universitaires, presque partout où l’on passe, il y a au moins un haut-parleur musclé qui émettent ces musiques aux rythmes et tonalités entrainants. Le parolier qui se fait appeler Trappeur semble avoir le droit de tout dire. Il dénigre, profère des propos obscènes sans embarras. Tant pis pour ceux qui ont des oreilles chastes.

Il ne faut pas se voiler la face. Ce sont des chansons qui sont populaires ces jours-ci. Outre les clips ultra-dégradants dans lesquels on voit des hommes avec des looks de « Bad boys », on peut dire que le Trappeur semble se fixer un mode de vie particulier fait de gangstérisme, dépravation et autres. Il semble se fixer un objectif précis : pervertir une jeunesse déjà fragile, frappée par la dernière remontée du rabòday. « Parfois, quand j’écoute de la musique trap, j’ai vraiment l’impression d’être une bad girl », nous raconte Stéphanie François dans un fou rire. « Il m’arrive de passer toute une journée à n’écouter que ça » renchérit la jeune étudiante en sciences infirmière.

Objectification de la femme

L’objectification de la femme dans les musiques a connu son essor chez nous surtout avec l’extension de la tendance rabòday. Qui ne se souvient pas de « fè wanna mache », tube iconique de Mossanto et The Mack ? Ti mamoun de J-Vens, ou encore Ti tou ? Ces musiques ont marqué les esprits. 

Comme dans la plupart des genres, la femme est aussi ciblée par les Trappeurs. Même si elles sont rares dans le milieu musical, elles sont souvent la cible de propos machistes. Pute, infidèle, nymphomane, les qualificatifs utilisés pour définir la gent féminine pourrait laisser croire qu’elle est la principale source d’inspiration des trappeurs. Malheureusement, cela ne semble déranger personne. Ces paroles qui dénigrent crûment la femme, ne nuisent pas. Apparemment. Tout le monde semble y prendre goût. Surtout les femmes. Sacré paradoxe.

« Parfois, je ne me retrouve pas dans ce style de musique. Les trappeurs lâchent souvent des mots sans le moindre ménagement », déplore Charleron Fredno, étudiant en aménagement territorial au Campus Henry Christophe de Limonade. Fredno n’est pas féministe, par contre, il dit être offusqué quand ces artistes disent du mal de la femme.

La Trap, de son origine américaine jusqu’à son implantation dans la société haïtienne

Selon la revue mensuelle britannique Dj Mag, la trap a pris naissance dans le sud des États-Unis dans les années 2000. Elle est un genre dérivé du hip-hop américain the Dirty South. Cependant, il faut préciser que le terme Trap a été initialement utilisé aux États-Unis pour désigner des logements misérables où il se pratiquait des activités illégales comme la vente de la drogue. Quelque temps après, la trap a commencé à être employée en musique par des rappeurs sudistes pour parler du trafic de drogue, de la vie dans les ghettos, du succès par l’illégal, etc. 

Nous ne savons pas si c’est à cause de la proximité géographique, l’acculturation croissante en Haïti ou autres facteurs déterminants, mais on peut dire que la Trap a fait son apparition sur la scène musicale haïtienne, il y a à peu près une dizaine d’années à travers de jeunes groupes comme Gshytt, dont les morceaux ( Rambo, Balèn bouji) étaient devenus de véritables hymnes sur les lèvres de la communauté juvénile.  » Gshytt ? Oh oui, je me souviens très bien de ces messieurs aux looks d’enfer « , se réjouit l’infirmière d’origine capoise.

Plus récemment, on peut dire que l’expansion de la musique Trap a été lancée à un niveau exceptionnel par Steeve Jay Bryan dont les morceaux suscitent un vif intérêt dans le milieu culturel haïtien. Et depuis, de jeunes artistes tentent de s’imposer eux aussi.

Peut-on dire que l’emploie qu’on en fait dans la musique haïtienne est tout à fait inédit ? 

Il serait imprudent de dire que la trap reste ce qu’elle a toujours été depuis sa genèse aux USA. Le monde évolue et malheureusement, nous n’avons pas suivi l’évolution du style chez les Américains. Cependant, ce qui rend le cas de notre pays exceptionnel, c’est la vitesse à laquelle monte ce style et le message qu’il véhicule. À peine arrivée chez nous qu’elle (la musique trap) se dirige déjà dans le même sens que le rabòday qui lui-même est souvent sujet à critique.

En effet, la consommation de la musique Trap bat les records. Avec le temps, elle a fini par s’immiscer petit à petit dans notre culture. Ou du moins, dans ce qu’il nous reste comme culture. Elle a un score de popularité élevé. Surtout du côté de la jeunesse.
 » Je sais que ce que nous écoutons comme musique peut avoir une grande influence sur nous, mais de mon côté, le vibe prend fin dès que je dépose mes écouteurs « , avoue Stéphanie François.

Nous ne savons pas si les trappeurs continueront sur la même lancée. Ce qui est sur c’est qu’ils ont une communauté qui s’agrandit petit à petit. Et malheureusement, l’influence de ces artistes n’est pas toujours la meilleure pour les jeunes qui les écoutent. 

Si l’on porte attention aux paroles, enfin si on peut appeler cela des paroles,  » il est difficile de trouver une once de profondeur dans ce qui est dit « nous diraient les anciens ou toute personne capable de raisonner. La plupart de ces chansons mettent en avant certaines paroles dégradantes sexuellement.
Elles véhiculent souvent des mauvaises valeurs. L’objectif n’est pas de dénigrer ce style qui s’est déjà installé dans notre pays, mais on peut tenter de le décrypter et d’en faire un espace de dialogue avec les plus jeunes. 

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Marckenley Élie

Marckenley Elie est un passionné de la lecture. Rédacteur à Rektili, il pense qu'on peut lutter contre la désinformation qui est toxique et meurtrière.
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