Pendant ce temps… la République d’Haïti
Depuis la nuit du 6 au 7 juillet dernier, marquée par l’assassinat du président de facto, Jovenel Moïse en sa résidence privée à Pèlerin 5, tout autre chose dans le pays semble être relégué au second plan. L’assassinat et les enquêtes qui ont suivi défraient la chronique, et cela va de soi.
Il est impossible de passer sur une chaîne de télévision ou station de radio sans voir ou entendre parler de ce fait. Ce qui a quand même pour effet d’éclipser les autres problèmes urgents du pays. La covid-19, les réfugiés de la troisième circonscription de Port au Prince, les gangs, l’insécurité, la rareté de l’essence, sont maintenant secondaires. On ne jure que par les enquêtes.
En effet, l’heure est exclusivement réservée aux enquêtes : trouver les auteurs intellectuels, interpellations, mandats, auditions, bâtiments réquisitionnés, mesures conservatoires à l’encontre de quelques policiers… en somme tout pour et par l’assassinat de Jovenel Moïse. Et, pendant que tous les projecteurs sont braqués sur l’enquête, de l’autre côté certains problèmes sociaux récurrents persistent. Des problèmes qui n’ont pas disparu avec la mort de l’ancien chef de l’Etat.
Pendant que le gouvernement ne fait que publier ses notes de presse et organiser des points de presse dans le but de tenir informée la population sur les avancements de l’enquête, la covid-19 bat son plein. Aucun communiqué de la part de la MSPP (Ministère de la santé publique et de la population) sur les cas de la Covid-19 à part une note pour indiquer une donation de 500 000 doses de vaccins Moderna de la part du gouvernement des Etats Unis. Il faut remonter jusqu’au 7 juillet pour voir une annonce de la MSSPP sur les cas de Covid-19, faisant état de 79 nouveaux cas, 19 374 cas confirmés, 487 morts et 12 977 guéris. Les campagnes de prévention du gouvernement contre la Covid-19 se font rares, des associations telle la CTH (la confédération des travailleurs hattiens) appelle les autorités à freiner la propagation du virus. A croire que le coronavirus était mort avec l’ex chef de l’Etat.
Quid de ces réfugiés de la troisième circonscription de Port au Prince logés au centre sportif ? Ces citoyens, vivant dans des conditions infrahumaines, et qui sont délaissés. Un appel à l’aide de la mairie de Carrefour vient sonner l’alarme. Le 14 juillet 2021, l’agent intérimaire de Carrefour, Jude Edouard Pierre, face à son incapacité de résister, lance un appel en aide aux Carrefourois, à des organisations, institutions et à l’État central. Selon l’agent ad intérim, depuis le jour de l’assassinat de l’ex président de la République, Jovenel Moïse 7 juillet 2021, la Mairie de Carrefour s’efforce seule d’assurer l’alimentation des 1200 habitants environ, de la 3ème circonscription de Port-au-Prince, réfugiés au centre sportif de ladite commune.
L’essence, étant un produit transversal, sa rareté a des conséquences sur les activités économiques du pays. Le prix des trajets en tranport en commun a augmenté et celui des produits de premières nécessité également. Certains produits sont presque introuvables, se plaignent des petits commerçants. On constate de longues files d’attentes dans les rues de la capitale et le retour des fameux bidons jaunes. Si, comme souvent la rareté de carburant était liée au manque dans les terminaux, celle-ci est de préférence liée à l’insécurité qui sévit dans le pays, puisqu’un chauffeur de camion transportant des produits inflammables a été tué la semaine dernière d’une balle dans la tête. La rareté du carburant occasionnée par l’insécurité, fait qu’il est difficile de se procurer des produits de première nécessité et les répercutions se font sentir, du moins pour le gros du peuple.
Quoi qu’il en soit, l’assassinat de Jovenel Moïse fait de l’ombre à beaucoup de problèmes cruciaux du pays. L’appel à l’aide des réfugiés reste lettre morte auprès des autorités, les déboires de la population face à la rareté de l’essence, le coronavirus pas important ou pas assez quand on regarde le comportement de nos autorités. Se concentrer sur un problème et oublier les autres. La logique de toujours. Comme l’a si bien dit le premier ministre démissionnaire, Claude Joseph lors de sa conférence de presse ce vendredi 16 juillet, les priorités du gouvernement sont : les funérailles et la poursuite de l’enquête. Et les besoins du peuple passeront peut-être après… comme toujours.