Économie

Pour comprendre : le monopole

Les transactions faites sur Mobile via le service « Moncash  » fourni par la DIGICEL occupent une place prépondérante dans la création de richesse en Haïti et spécifiquement grâce à l’émergence du commerce en ligne via les réseaux sociaux. En effet,  ce service compte pas moins de deux millions utilisateurs. En 2020, près de 72 millions de dollards americains ont été echangés en moyenne mensuellement  via ce service mobile ce qui correspond  environ  11%  du PIB (Le Nouvelliste, 2020). Ce service digital, s’est en quelques années incrusté dans le quotidien des agents en  Haïti et leur facilite grandement la vie.

Cependant, il y a quelques semaines, Les tarifs sur les retraits du service financier mobile « MonCash » ont connu une hausse d’environ 100% pour certaine tranche de montant. La population, stupéfaite, avait exprimé son mécontentement sur les réseaux sociaux, jusqu’à arpenter les rues de la capitale arborant des messages écrits sur des cartons dénonçant cette décision jugée inadmissible par les clients du géant téléphonique haïtien,  la Digicel, unique firme offrant ce service. Dans l’impossibilité de trouver d’autres recours, la population avait reproché à l’état sa légèreté d’intervention et sa passivité.

On doit la conceptualisation du monopole à A. Cournot qui a présenté l’exemple d’un propriétaire possédant une source minérale qu’aucun autre ne possédait. En ce sens, le monopole serait une situation dans laquelle il n’existe qu’un vendeur unique d’un bien ou d’un service sur un marché, qui en parallèle compte une infinité d’acheteurs. Le monopole peut être temporaire, de marque, naturel, etc. Dans le cas des transactions mobiles en Haïti, nous pouvons parler de monopole naturel puisque la mise en place de ce service par un potentiel concurrent requiert des coûts  de départ importants (Achats de matériels, ouvertures de nouveaux bureaux, allocations de fonctionnement (Salaire, Carburant, etc..), etc.).

Le fait pour le monopoleur de ne subir aucune pression émanant de la concurrence le rend libre de fixer son prix. Ce dont a profité la Digicel en fixant  des prix  qui lui permettront de maximiser ses profits. Et par conséquent, ces prix sont déterminés en ne prenant en compte que ses avantages en tant que monopoleur. Cependant, même libre de toutes contraintes, le monopoleur doit se garder de trop flamber les prix car il est quand même confronté à la demande des consommateurs laquelle est une fonction décroissante du prix.  En d’autres termes, plus les prix augmentent moins les consommateurs désireront consommer un tel produit. Ce que la Digicel n’a pas ignoré, car les transactions les plus courantes n’ont connu qu’une augmentation de 10 à 30 gourdes.

Dans une situation de monopole le consommateur a deux options : soit il achète le produit, soit il ne l’achète pas.  Dans le premier cas, il accepterait une diminution de bien-être car le monopole vend une quantité faible à un prix fort. Il n’y a que les consommateurs avec un consentement supérieur au prix du monopole qui pourront consommer le bien. Donc les nouveaux tarifs de la Digicel pourraient exclure une catégorie de consommateurs du service « MonCash. » Et ceux qui continuent de consommer le service paieront plus cher que s’ils étaient dans une situation dans laquelle il y avait plusieurs offreurs. Ce qui fait qu’on critique au monopole son caractère inefficient. Car il ne permet pas une accumulation de richesse.

Dans le second cas, le consommateur doit pouvoir trouver un bien substituable qui saura satisfaire le même besoin. Si celui-ci n’est pas disponible sur le marché, il est de la responsabilité de l’État de prendre les mesures nécessaires.

Lors des manifestations, la population critiquait la passivité de l’État qui est l’organe compétent pour apporter une solution lorsqu’un tel cas se présente. Pour empêcher une augmentation exagérée des prix, l’État doit : soit jouer son rôle de régulateur en fixant un tarif plafond permettant à l’entreprise de ne pas dépasser un certain niveau de rentabilité, soit produire le même produit que le monopoleur ou nationaliser l’entreprise ou le service en question, ou subventionner un potentiel concurrent afin que celui-ci puisse faire face aux barrières de coûts à l’entrée sur le marché de façon à faciliter la concurrence. Il semble que l’État haïtien s’est tu face aux nouveaux dispositifs tarifaires de la Digicel qui enveniment la colère d’une population déjà enlisé dans une crise sociopolitique chronique.

John Lesly Cheramy

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