Société

L’aide, c’est bien mais bien la gérer est encore plus important

Seulement deux ans après le séisme ayant secoué le pays en 2010, Courrier International citait dans un article CounterPunch, un site américain qui avait réalisé une enquête sur la gestion de l’aide humanitaire allouée pour faire face au désastre du 12 janvier. Près de 10 milliards de dollars gaspillés, seulement 1% versé au gouvernement haïtien et 0.4% aux ONG locales, avait rapporté l’article.

En mars 2010, lors d’une conférence réalisée à l’Assemblée Générale des Nations-Unies dans le but de récolter des fonds pour venir en aide aux 9 millions d’Haïtiens sinistrés à l’époque, 9.9 milliards de dollars ont été promis par les donateurs. L’intégralité de cette somme serait versée sur trois ans. Une somme incroyable, au-delà de toutes les attentes.

Tout portait à croire à l’époque que la catastrophe faisait place à une grande opportunité, et que définitivement Haïti pourrait devenir un de ces pays sur les voies du développement à l’instar de son voisin, la République Dominicaine. C’était se tromper sur les apparences, car la majeur partie de l’aide, qui devrait être destinée aux victimes du séisme, à été détournée en amont par les organismes internationaux chargés de la matérialisation de l’aide avec la complicité des États-Unis.

En effet, la coordination de l’aide a été principalement assurée par le gouvernement américain. Le Center for Economic and Policy Research, après avoir analysé les 1490 contrats attribués par le gouvernement américain entre janvier 2010 et avril 2011, s’est rendu compte que seuls 23 d’entre eux avaient été accordés à des entreprises haïtiennes. Dans l’ensemble, les Etats-Unis ont distribué 194 millions de dollars à des sous-traitants, dont 4,8 millions seulement à des sociétés haïtiennes, soit environ 2,5 % du total. Quant aux sociétés privées de la région de Washington DC, elles ont reçu 76 millions de dollars, soit 39,4 % du total.

Cela montre comment cette aide a fait l’affaire des États-Unis qui se sont avérés en être les vrais bénéficiaire, au grand dam de tout un pays qui bien avant la catastrophe peinait déjà à joindre les deux bouts.

Selon Courrier International citant le rapport d’enquête de CounterPunch, juste après le séisme, les Etats-Unis ont consenti une aide de 379 millions de dollars et ont envoyé 5000 soldats. L’agence américaine Associated Press a découvert en janvier 2010 que 33 centimes de chacun de ces dollars avaient en fait été rendus directement aux États-Unis pour compenser le coût de l’envoi des troupes militaires. Pour chaque dollar, 42 centimes ont été envoyés à des ONG publiques et privées comme Save the Children, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies et l’Organisation panaméricaine de la santé.

Dans l’ensemble, les États-Unis ont alloué 1.6 milliards de dollars à Haïti suite au séisme, dont une bonne partie servie à rembourser le département de la défense américaine et le reste distribué à des organisations américaines. Par ailleurs, l’Oncle Sam ne s’était pas contenté de réempocher son propre argent mais en a aussi profité pour s’emparer de l’aide accordée par les autres pays, selon l’article du Courrier International.

En dehors des fonds accordés aux agences des Nations Unies, aux institutions américaines et aux ONG internationales, deux institutions qui devaient travailler de concert avaient été créées en 2010 pour reconstruire le pays : la CIRH et le Fonds pour la reconstruction d’Haïti. La CIRH, co-présidée par l’ancien président américain Bill Clinton et Jean-Max Bellerive n’a pas pu remplir sa mission, et les fonds n’ont servi qu’à les enrichir davantage. Et la reconstruction d’Haïti n’a pas eu lieu.

C’est vraiment scandaleux, la façon dont l’aide a été gaspillée en 2010, entre contrats accordés sur la base du népotisme, des ONG qui ont profité pour se refaire une beauté, des millionnaires nés sur fond de la douleur du peuple et la rature des bâtiments en ruines, l’aide qui devait redonner sa belle allure à Haïti, avait en effet été gaspillée, au vu et au su du gouvernement haïtien qui en fait n’avait le contrôle sur rien.

Le samedi 14 août 2021, à peine 11 ans après le séisme du 12 janvier 2010 qui a ravagé Port-au-Prince, Haïti, principalement la region du Grand-Sud, a été de nouveau frappé par un violent séisme de magnitude 7.2 sur l’échelle de Richter, plus violent mais moins dévastateur que celui de 2010 en termes d’infrastructures et de bilan humain. Juste après la catastrophe, la Protection Civile, l’organe gouvernemental spécialisé sans la gestion des risques accompagné de volontaires de partout dans le pays et une partie des rescapés du séisme se sont mobilisés afin de secourir en urgence les premières victimes. D’autres organisations nationales leur ont emboîté le pas. Jusqu’à présent, l’aide collectée auprès des ménages de la société civile et certaines entreprises du secteur privé est gérée et distribuée par des organismes locaux et des particuliers qui se sont porté volontaires.

Cependant, cette aide, fruit de la solidarité citoyenne, ne pourra malheureusement couvrir que les besoins sur le très court terme. L’État devra (hélas) prendre le relai. Et ce sera aux citoyens, cette fois, d’exiger la transparence quant à la gestion de l’aide internationale qui d’ailleurs commence à venir. Une thèse soutenue par l’économiste haïtien, Enomy Germain, qui dans une vidéo publiée sur sa page Facebook, montre combien il est important de saisir cette dernière opportunité pour développer le pays en commençant par le Grand-Sud.

En effet, cette fois, il est du devoir de chaque citoyen d’exiger la transparence, de veiller à ce que les fonds alloués par les donateurs sont orientés vers ce pourquoi ils ont été déboursés. Et les institutions chargées d’exécuter un travail quelconque doivent fournir incessamment des rapports sur l’exécution de leur mission. Ainsi, on pourra oser espérer de meilleurs résultats et transformer la catastrophe en opportunité.

Et maintenant, la grande question qui se pose, c’est : est-ce que le gouvernement pourra faire mieux que l’international ou devrait-on cette fois se fier aux organismes locaux ?

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Mike Préval

Un amoureux de la vie, des lettres et des images…
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