Culture

Money Honey Mike : une légende méconnue de la génération actuelle

Jean Huberman Charles, dit Money Honey Mike, l’un des pionniers du mouvement rap en Haïti est décédé le 27 janvier dernier, pourtant tout porte à croire qu’une telle disparition laisse indifférente une bonne partie de la communauté culturelle haïtienne.

Qu’est-ce qui pourrait bien être à la source de ce mépris ? Dans un entretien avec Mingolove Romain, ancien animateur de radio et un passionné de Rap Kreyòl depuis ses premiers pas sur le sol Haïtien, nous avons fait le tour du sujet.

Pour commencer, M. Romain nous a fait un bref portrait de Money Honey Mike, largement méconnu des nouvelles générations. Il a été tour à tour membre de plusieurs groupes ou coalitions musicales durant sa carrière, dont les plus connus sont dont les plus connus sont ORS (Original Rap Staff) avec lequel il a enregistré environ 3 albums, ASRAP et Live Jam Mike avec lesquels il n’a pas eu le temps d’enregistrer d’albums, mais quelques tubes carnavalesques et des singles.

Rappeur ou emcee, les deux titres sont compatibles à un homme aussi polyvalent que Mike qui a grandi avec son mic (microphone) et en a fait sa passion et d’ailleurs son pseudo « MIKE MONEY HONEY » qui serait, selon M. Romain, un clin d’œil à ses trois principales passions dans la vie : le micro, l’argent et les femmes.

Les premières traces de son parcours en tant que rappeur peuvent être appréciées sur les premier opus du groupe Original Rap Staff dont il était l’une des principales vedettes déjà en 1994, sur la chanson BAGAY DWÒL et en 1995 avec TOUT MOUN SOU BLÒF ;
ou encore les tracks Tanperaman Chanje et Kè Pòpòz dont il partage la vedette avec les autres membres du groupe ORS. Il a également écrit et rappé tout seul des morceaux comme Whose Style is This (complètement en anglais) et les tubes intemporels A TOI et PARDON (totalement en français).

En 2006, Mike va offrir au monde du rap BEAT SA HOT, un morceau de rap hardcore en anglais, qui a bien fait son chemin. Par ailleurs, son dernier projet officiel intitulé, « 20 ans après », serait sorti en 2014.

Talentueux, Polyvalent, trilingue aussi bien dans la vie courante que sur ses morceaux ; défenseur du Rap Kreyòl dans ses sombres moments… bref, une icône dont le départ aurait pu déclencher une marée d’interactions et d’hommages. Mais seuls quelques fans (rappeurs y compris) et anciens collaborateurs ont jusqu’ici pris le temps de saluer la mémoire du Emcee.

Pour Mingolove Romain, trois raisons pourraient aider à comprendre une telle indifférence par rapport au décès du rappeur. D’abord, son fort caractère. Money Honey Mike serait, de son vivant, un homme rempli de fierté et d’orgueil. Il aurait évité exprès d’embrasser la pseudo industrie musicale haïtienne, à laquelle il ne s’était pas reconnu. La deuxième raison qui pourrait expliquer en partie ce manque de reconnaissance à l’égard de Money Honey Mike serait son inactivité. Le rappeur n’était pas vraiment officiellement actif depuis bien des temps et en ce sens la liste de ses fans était réduite aux fans du rap old school et ceux qui l’ont connu dans ses moments de gloire ; « Les jeunes ne connaissent pas un rappeur comme Mike ». La dernière piste pour tenter de comprendre pourquoi presque aucun digne hommage ne soit rendu à la mémoire de Mike, serait une affaire de jalousie. Ceci est bien connu ici chez-nous : les rappeurs ont souvent un égo surdimensionné ; tous veulent se faire passer pour le meilleur, et font souvent fi du travail mené par les anciens, les pionniers du mouvement. Le hic serait que Mike aurait récemment froissé pas mal de vedettes du rap dans un live sur Facebook, lorsqu’il dressait à la demande des internautes son top 5 favoris des rappeurs qui sont actuellement dans le Game. Le problème résulterait du fait qu’il n’avait cité aucun de ceux qui se targuent d’être les grands noms du Rap Kreyòl aujourd’hui.

Mingolove estime que ces trois facteurs pourraient (mais ne suffisent pas pour) expliquer ce qu’on pourrait appeler un déni de reconnaissance à l’endroit de l’ancien membre du groupe Live Jam. « Le problème peut-être plus profond », selon M. Romain.

Cependant, les journalistes culturels peuvent être tenus pour responsables de ce problème d’archives et d’informations sur ces talents et leurs travaux. L’État, à travers les institutions en garde de la culture et du patrimoine, accuse également beaucoup de lacunes. Ce serait au bénéfice de la culture si dans les écoles, les instituteurs prenaient l’habitude d’étudier des textes de musiques locales (particulièrement de Rap) avec leurs élèves. Cela pourrait contribuer à immortaliser la plume de ces hommes en faisant du même coup de leurs noms des légendes. Il résulterait également de ce genre d’initiative que ces rappeurs soient transformés en de vraies idoles pour les jeunes de moult générations.

Il est temps que nous accordions une plus grande reconnaissance aux grands hommes qui nous ont marqués par leur talent et que nous en fassions des légendes immortelles mais aussi des modèles. La jeunesse en a besoin, le pays en a besoin.

Nous n’avons pas pu retrouver tous les travaux réalisés par Jean Huberman Charles, mais retrouvez une bonne partie (non-groupée) de sa discographie en cliquant sur ce lien.

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Maycol Joseph

Originaire des Gonaïves, est un passionné de la vie, prévenant et franc ...
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